La Gouvernance mondiale : Notre Nord, parfois est au Sud.
«Le marché a banni l'homme de l'histoire ou de l'économie», explique l'économiste Marilza de Melo Foucher*. Mais la crise financière globale doit permettre de remettre le monde sur ses pieds: « Les gouvernements de gauche et de centre gauche qui sont au pouvoir ou qui se préparent à l'assumer doivent profiter des ambiguïtés du discours de la droite sur le retour de l'État, afin de proposer une nouvelle ingénierie de l'État républicain et démocratique.»
Le monde global dans le manuel néo-libéral ne serait composé que de deux acteurs principaux: les entreprises et les consommateurs. Pour les théoriciens de la gouvernance mondiale, la conception de l’État Nation devrait être enterrée. L’État est devenu l’intrus pur ces théoriciens, en lieu et place duquel siège l’État Entrepreneur comme un bon actionnaire. C’est dans ce sens que nous analysons la réaction du Président Bush des États Unis et de Sarkozy en tant que Président français et de l’Union Européenne, qui agissent en cohérence avec la logique néo-libérale : L’État intervient pour sauver les banques commerciales et devient actionnaire. Pendant ce temps, en France, le gouvernement de M.Sarkozy privatise les services publics et va supprimer 13 600 postes de travail dans le secteur de l’éducation nationale. Le reste est rhétorique pour occuper l’espace international et faire oublier les résultats néfastes de sa politique économique destinée aux riches. La véritable solution pour la crise ne consiste pas à sauver l’architecture actuelle du système financier. Les mesures prises par le pouvoir central (États Unis et Europe) pour investir des fonds publics dans les banques commerciales qui ont alimenté la spéculation financière renforcent encore davantage la concentration du capital qui est à des niveaux jamais vu. Les fonds publics doivent être investis dans les banques de développement. Il n’y a aucune raison pour que les banques commerciales privatisent les bénéfices tandis que l’État est appelé à la rescousse pour couvrir les pertes issues de la spéculation financière.
Les résultats des réformes adoptées par l’État néo-libéral a été désastreux pour l’intérêt général des populations des pays du Sud. Qui peut oublier les recettes du FMI imposée aux pays d’Amérique du Sud récemment sortis des dictatures, tel que le Brésil, le Chili, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay? Les acteurs globaux du néolibéralisme ont tenté de légitimer l’idée selon laquelle la société et l’économie peuvent, par elles-mêmes s’organiser sans la présence de l’État.
Au moment où la Démocratie triomphe en Amérique du Sud et que son peuple rêve de la constitution d’un État Nation qui dépasse les pratiques dictatoriales, populistes et interventionnistes, avec la Démocratie pour le maintien de la cohésion socioéconomique et politique, les principaux acteurs globaux de la “Gouvernance mondiale” choisissent un mode d’organisation de la société centré autour du fonctionnement “souverain” du marché, sans régulation de l’État.
Tandis que les crises économiques se transformaient en crises structurelles (socioéconomique, politique, culturelle et environnementale) et ont atteint leur paroxysme dans les pays périphériques, rares ont été les gouvernements des pays du Nord à manifester leur solidarité en demandant des changements dans les règles de la régulation commerciale internationale. Qui plus est, une gouvernance mondiale que gouverne sans gouvernement, en cherchant à se “construire une légitimité » sans démocratie représentative et résout les conflits internationaux sans avoir besoin de disposer de majorité. Ce type de gouvernance, ne peut pas durer longtemps face à l’avancée de la citoyenneté politique des pays en crise qu’ont élu de Gouvernements de gauche ou de centre gauche dans le continent sud-américain.
Pour la première fois, les grandes puissances ont compris que la bulle spéculative navigue à travers le réseau mondial des ordinateurs à une vitesse telle que les trillions de Dollars et d’Euros se sont évaporés en quelques secondes ! Par manque de régulation mondiale, l’économie virtuelle s’est laissée envahir de virus que le seul Docteur État peut soigner. Peu de dirigeants ont pris conscience du désordre mondial, tandis qu’ils en ont été les principaux protagonistes. C’est ce qui explique les sévères réactions des gouvernements sud-américains lors de l’ouverture de la 63ème Assemblée de l’ONU. Lula a dit que l’euphorie des spéculateurs s’est transformée en crainte des peuples et il a ajouté : « Une nouvelle géographie politique, économique et commerciale est en train de se construire dans le monde » Dans le passé, les navigateurs regardaient l’étoile polaire pour « trouver le Nord » comme on disait. Aujourd’hui, on cherche les solutions de nos problèmes par la contemplation des nombreuses dimensions de notre Planète. Notre "Nord", parfois est au Sud.
Construction d’un État démocratique.
Les conditions propices à l’expansion du marché global ont été créées, mais qui a profité partie de ce système ? Ce sont les mêmes qui en ont décrété la faillite. La ruine de l’État Providence est restée, comme ultime soutien d’une vie collective ! Le néolibéralisme n’a jamais été un modèle de développement, mais de domination, l’être humain a cessé d’être le centre pour devenir la périphérie ! Comme le disait le sociologue suisse Jean Ziegler, membre du Comité Consultatif du Conseil des Droits Humains de l’ONU. Avec la crise financière, la conscience humaine va se réveiller, surtout dans les démocraties. L’opinion publique va comprendre la folie de ce néolibéralisme, de cette main puissante et invisible qu’est le marché qui a banni l’homme en tant que sujet collectif ou individuel de l’histoire ou de l’économie.
Les mêmes qui ont contribué à la formulation du dogme anti-État sont devenus ceux qui le défendent, non pas pour que l’État reviennent aux fonctions pour lesquelles il a été créé, mais pour sauver les banques, en le transformant en État actionnaire. Les discours de Bush et Sarkozy ont tinté l’hypocrisie. Si donc la régulation mondiale des flux financiers est pourtant bien nécessaire, pour autant la réalité montre que l’État a cédé au déterminisme de la Bourse des Valeurs.
Les néo-libéraux veulent socialiser les pertes avec ceux n’ont jamais été invités à partager la table quand elle était bien garnie. Le pire est qu’ils se trouvent face un vide institutionnel aux contours mal définis. Le FMI ne sait pas comment réagir face à la crise des pays riches, et les réunions de l’OMC ont continué à être des dialogues de sourds. La gouvernance mondiale de l’idéologie néolibérale est morte et personne ne veut en porter le cercueil. Face à l’impossibilité de gérer la crise du système économique mondial par le néolibéralisme, les discours prolifèrent sur la re-fondation du capitalisme. Les politiques et les économistes qui ont abandonné Keynes pour Milton Friedman, précurseur do néolibéralisme, préfèrent ressusciter Keynes para sauver le désordre mondial laissé par les pratiques d’ordre néo-libérales qu’a posé pour postulat à l’aveuglette l’idée selon laquelle la force du marché générerait par soi-même le progrès et impulserait le développement économique. Maintenant la tendance s’inverse : l’État doit être réhabilité pour réguler le marché et pour payer les comptes d’un capitalisme néolibéral en déroute. Le paradoxe est de rechercher au niveau local, les solutions pour la crise globale. La réponse exigée maintenant est politique et non plus seulement économique.
Comment transformer la fatalité en opportunités ?
Les gouvernements de gauche et de centre gauche qui sont au pouvoir ou qui se préparent à l’assumer doivent profiter des ambiguïtés du discours de la droite sur le retour de l’État, afin de proposer une nouvelle ingénierie de l’État républicain et démocratique. Un État qui maintienne tous les fondements de son rôle en tant que régulateur de la cohésion territoriale, politique, économique, sociale et environnementale. Un État qui puisse assurer un écodéveloppement pertinent avec chaque réalité construit avec une vision systémique dans laquelle l’économique ne prédomine pas, et soit simplement inséré dans un système de production d’utilité sociale et environnementale.
Docteur en Economie
Spécialisée dans la planification et développement régional
Publié au Editions Invités de Mediapart -13 novembre 2008